Je propose de réfléchir à la question « Les machines peuvent-elles penser ? » [...]
La nouvelle forme du problème peut se décrire à l'aide d'un jeu que nous appellerons « le jeu de l'imitation ». Il se joue à trois : un homme (A), une femme (B) et un interrogateur (C) de sexe indifférent. L'interrogateur est enfermé dans une pièce, isolé des deux autres personnes. Pour l'interrogateur, le jeu consiste à trouver qui, de ces deux personnes, est l'homme et qui est la femme [...]. Pour A, le jeu consiste à essayer d'induire en erreur. Afin que le son des voix ne puisse aider l'interrogateur, les réponses sont écrites à la main, ou mieux, tapées à la machine. L'idéal est de disposer d'un téléscripteur communiquant entre les deux pièces [...]. Pour le troisième joueur (B), le but du jeu consiste à aider l'interrogateur [...]. Elle peut ajouter à ses réponses des phrases comme « Je suis la femme, ne l'écoutez pas ! », mais cela ne servira à rien car l'homme peut faire des remarques similaires.
Posons-nous maintenant la question « Que se passera-t-il si une machine prend la place de A dans ce jeu ? ». L'interrogateur commettra-t-il autant d'erreurs que lorsque le jeu se joue avec un homme et une femme ? Ces questions remplacent celle que nous posions au début, « Les machines peuvent-elles penser ? ».
-- Turing, Alan ; Une machine peut-elle penser ?
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