Voilà qui risque de faire mal à sony et ses espoirs placés dans ce jeu
Putain, fais chier mec !
Après cinq ans de prison pour braquage, Mark Hammond a payé sa dette à la société anglaise et savoure donc un peu la vie entouré de sa femme et de son petit garçon, fatigué mais heureux. Son rêve se transforme bien vite en cauchemar, un après-midi où il faisait la sieste bien tranquillement : un groupe de truands enlève son enfant et tire sur sa compagne avant de s'enfuir en voiture. Rapide comme l'éclair mais un peu loin, il arrive trop tard sur les lieux du drame et ne peut pas faire grand-chose quand sa femme meurt dans ses bras. Choqué et un peu dépassé par les événements, il prend avec incrédulité le revolver meurtrier et s'élance à la poursuite des malfaiteurs, décidé à tout péter et leurs tronches en particulier. Après une boucherie dans un entrepôt plein de voyous, notre héros se retrouve désarmé en face de Charlie Jolson, un parrain local tout chauve, et se voit confier une mission, qu'il a intérêt à remplir s'il veut revoir son fils vivant. Soupçonné du meurtre de sa femme, soumis au chantage d'un crâne luisant, Mark est obligé d'accepter et se retrouve alors embarqué dans de folles aventures à la recherche de son enfant.
Cette entrée en matière mouvementée permet de prendre en main les deux facettes principales de The Getaway : les poursuites en voiture à travers les rues de Londres et les balades à pied dans les bâtiments. Le titre jongle en permanence entre ces deux phases, sans transition mais toujours dans le cadre d'une mission donnée. Il n'est ici pas question de déambuler librement dans la ville : tout objectif raté, toute mort prématurée, met directement fin à la partie et on n'a plus qu'à recommencer là où on en était. On progresse donc lentement à travers les 24 missions du titre et la durée de vie est au rendez-vous. Similaire dans l'esprit, le jeu se démarque clairement de Grand Theft Auto III dans son déroulement et on se rapproche bien plus d'un Mafia, avec un droit à l'erreur restreint et un énorme rail qui guide le joueur à travers les méandres du scénario.
Cette linéarité assumée est cependant bien souvent le signe d'une aventure travaillée et les développeurs se sont lâchés, farcissant l'action avec des séquences cinématiques réalisées grâce au moteur du jeu. Elles sont mises en scène de manière très cinématographique et on retrouvera donc tous les ingrédients d'un bon film noir à l'anglaise, avec répliques cinglantes, plans travaillés et parfois même un peu d'humour, pas toujours volontaire. Dommage tout de même que ces louables efforts, bien servis par des voix tout à fait correctes en version française, soient complètement anéantis par des dialogues dignes d'une mauvaise série Z et un scénario cousu de fil blanc. N'est pas Michel Audiard qui veut, hélas. On regrettera également la vulgarité des protagonistes, assez rigolote au début mais vite lassante, à base de "pétasse", "putain", "connard" et autres noms d'oiseaux. Pas la peine de jurer comme un charretier quand on se fait tuer : le jeu le fait pour nous. Un peu ridicule, mais pratique.
Les clignotants qui rendent fou
Mais l'important reste le gameplay lui-même et, de ses deux aspects majeurs, c'est la conduite qui se démarque le plus. La Team Soho a eu de l'ambition et s'est donc lancé dans la modélisation complète de Londres, quartier par quartier, rue par rue, magasin par magasin. Les intérieurs ne sont pas visitables, sauf dans le cadre d'une mission précise, mais la superficie gigantesque de la capitale anglaise suffit largement à satisfaire les envies d'espace du pékin moyen. La reproduction est très fidèle à l'original et, pour peu qu'on ait déjà visité cette métropole d'outre-Manche, on reconnaît aisément ses grands monuments ou ses endroits typiques : Big Ben et le parlement, Trafalgar Square, Soho... Les rues sont riches de véhicules et, c'est assez rare pour être signalé, tous authentiques. On croise des Punto, des 306, diverses Lexus, des Rover, des Saab... on s'y croirait. Les piétons sont eux moins présents mais néanmoins suffisants pour peupler constamment les trottoirs. La conduite est intéressante et chaque voiture est bien différente dans son comportement, offrant un vrai plaisir de conduite. Par contre, les sens uniques et les couloirs de bus en sens inverse sont un véritable casse-tête pour le gangster en mission que l'on incarne et il est parfois délicat de circuler sans se prendre des voitures dans la figure.
Heureusement pour nous, le jeu a pensé à tout et s'est débarrassé de tout affichage inutile à l'écran pour nous offrir, non pas une flèche indicatrice, non pas un plan de la ville mais bien deux clignotants tout bêtes. Révolutionnaire ! Ceux-ci nous indiquent donc à leur façon l'endroit où l'on doit se rendre : ça clignote à gauche quand notre objectif est sur la gauche, à droite quand il est sur la droite et les deux en même temps (warning, donc) quand on est arrivé. Si ça ne clignote pas, c'est qu'on est pile dans la bonne direction. La vitesse de clignotement nous donne des informations supplémentaires : à vitesse normale, l'objectif est en face, à grande vitesse, il est derrière. Ca a l'air tout simple, présenté comme ça, mais c'est d'une ergonomie bien douteuse. On doit tout d'abord se débarrasser du bon vieux réflexe "clignotant à gauche, je tourne à gauche à la prochaine intersection", qui habite naturellement tout titulaire du permis, faute de faire cinquante fois le tour du pâté de maisons en touriste. De plus, sans aucun repère autre que ces clignotants et même après avoir bien saisi le principe, on tourne toujours une rue avant, ou une rue trop tard, on tourne parfois en rond et on perd beaucoup de temps pour rien. Et Londres étant une ville particulièrement bien achalandée en coins fourbes et en petites rues traîtres qui ne mènent nulle part, on n'a pas fini de tourner, c'est moi qui vous le dit. Autre point gênant, l'absence de tout rétroviseur qui empêche, évidemment, de voir derrière soi.
Traverser dans les clous, une seconde nature
Mais ce design particulier, caractérisé par l'absence d'un quelconque affichage à l'écran, fait également des siennes dans les phases à pied. En vue d'une immersion plus grande et histoire de donner à l'ensemble un cachet très cinéma (encore et toujours), les développeurs ne fournissent aucune indication artificielle au joueur quant à sa vie, ses munitions, ou la présence d'un ennemi au détour d'un couloir. La santé de notre héros, par exemple, doit être déduite de sa posture et s'il traîne la jambe, ensanglanté et visiblement pas dans son assiette, on peut en déduire qu'une pause s'impose. Il suffit alors de le laisser se reposer, accoudé à un mur, pour le retrouver pimpant et frais quelques secondes plus tard. A noter qu'il faut, là aussi, un sérieux temps d'adaptation pour savoir ce qui se passe et où il faut aller sans aucune indication visuelle (on n'a pas droit aux clignotants, à pied). Mais les développeurs ont vu bien plus loin dans leur approche réaliste des choses et, bien que le jeu se déroule intégralement à la troisième personne, ils ont purement et simplement retiré tout contrôle de la caméra par le joueur (qui reste donc derrière le héros). Il est possible, en visée manuelle, de voir un peu autour de soi, mais on ne peut pas bouger et le déplacement du curseur est un peu lent. Ce parti-pris est un peu étrange, bien sûr, mais il se révèle bien plus handicapant qu'immersif, même après de nombreuses heures de jeu. On passe son temps à se prendre des balles dans le dos, à déboucher dans des salles pleines d'ennemis ou à se faire écraser par des voitures en pleine rue parce que, tout bêtement, on ne peut pas regarder à droite et à gauche en traversant. On est vraiment content de devoir recommencer une mission entière pour cette imprudence que l'on ne fait plus depuis le CM2, on écrase bien souvent la Dualshock de joie contre le mur mais le mal est fait : on fera bien attention de faire pivoter le personnage à 360 degrés avant de descendre du trottoir la prochaine fois.
Heureusement, dans leur folle envie de l'expérience cinéma, la Team Soho a eu la riche idée de fournir à notre héros la palette complète des mouvements du bellâtre hollywoodien. Il est ainsi possible de faire des roulades, de se cacher derrière une voiture, de faire descendre les conducteurs de leur voiture pour mieux la leur piquer, de tirer dans à peu près toutes les positions et surtout, de se coller aux murs. Cette dernière acrobatie est une réponse, un peu bancale mais néanmoins présente, aux problèmes de la caméra, du moins en intérieur. Avant toute entrée dans une pièce, avant tout détour de couloir, il convient en effet de se frotter contre le papier peint et de jeter un coup d'oeil rapide de l'autre côté pour savoir si tout est calme. Si ce n'est pas le cas, une fusillade rapide et le tour est joué. Il ne reste alors plus qu'à faire quelques roulades et à retrouver son pan de mur pour l'inspection du prochain virage. Avec beaucoup d'auto-persuasion, c'est sûr : on se croirait dans le dernier Bruce Willis. Cet attirail de cascades est complété par deux modes de visée, manuelle et automatique. Lent, peu précis et accessible par R2, le premier ne servira qu'à des fins de reconnaissance, ou pour détruire des objets non pris en compte par le second. Celui-ci permet de cibler facilement et ce, même sans les voir, l'un des ennemis à portée. Il suffit de relâcher et de re-presser le bouton (R1, de base) pour viser l'un des autres adversaires présents. Efficace, voire même un peu trop, ce système permet lui aussi de détourner l'omniprésent système de caméra. Il suffit en effet de tapoter comme un fou sur R2 en avançant et de tirer quand notre personnage lève le bras pour viser quelqu'un : la caméra se met alors dans le bon alignement et (miracle !) on peut enfin voir sur quoi on tire. Fabuleux.
Scripts et astuces en tous genres
Tous ces problèmes d'ergonomie, que ce soit en voiture ou à pied, sont cependant des choix de design et, bien qu'assez douteux, ils peuvent néanmoins se comprendre, voire même s'apprécier si on rentre à fond dans le titre. L'ambiance très contemporaine et l'approche résolument réaliste, finalement assez rare dans un jeu vidéo, apportent un plus, que le fait de jouer dans une reproduction de Londres renforce incontestablement. Cette dernière est, du coup, structurée comme une véritable ville et possède donc beaucoup plus de nuances, de consistance et de logique qu'une cité créée de toutes pièces, comme dans GTA III par exemple. Malheureusement, une telle ambition présente forcément quelques inconvénients lors de son application et les développeurs ont fait un large usage des scripts pour les missions et l'intelligence artificielle. Cet excédent se retrouve dans tous les aspects du jeu : la linéarité des missions à pied en est un très bon exemple. Les réactions scriptées des ennemis, qui font tout le temps la même chose et se trouvent donc toujours au même endroit à un moment donné, obligent à apprendre le déroulement des événements par coeur, tout écart (dans une certaine mesure) étant sanctionné d'une manière ou d'une autre. La liberté est plus importante en voiture, mais ce sont alors les réactions des policiers qui sont prévisibles. Ceux-ci jouent parfaitement le rôle de béliers roulants et ils sont particulièrement efficaces pour défoncer la voiture que l'on conduit, en se mettant en travers, en tapant l'arrière du véhicule, en nous serrant de près... mais un freinage appuyé ou un écart un peu brusque les envoient dans les choux. A pied, ils nous tirent dessus, nous arrêtent dans certaines circonstances bien précises (quand on est à pied et proche d'eux, en gros) mais sont tout simplement incapables de nous faire sortir de notre véhicule. Cerné par trois voitures de police, encerclé par une quinzaine d'agents de la force publique, le joueur n'a qu'à se dégager à coups de pare-chocs pour repartir de plus belle, en changeant de voiture un peu plus loin si la sienne est trop abîmée après cette manoeuvre. On finit par bien connaître certains de ces problèmes et à les tourner à notre avantage : franchir un checkpoint, se laisser mourir cerné par la police pour ré-apparaître dans une rue soudain déserte, par exemple.
D'un point de vue technique, le bilan est lui aussi relativement mitigé et, là aussi, conforme à l'ambition de ses développeurs. Les chargements sont rares : à chaque nouvelle mission, en fait. On passe d'une mission automobile à un trajet piéton dans un immeuble, d'une rue bondée de voitures à un commissariat rempli de policiers, et ce sans aucune transition. Impressionnant, évidemment, mais pas sans contrepartie. La principale est bien évidemment liée au frame rate, qui accuse bien souvent le coup sous le poids des prouesses qu'on lui demande d'accomplir et baisse en conséquence sensiblement. La distance d'affichage est correcte, la modélisation des véhicules est très fine et ils subissent maintes déformations, la tête des personnages passe très bien en gros plan... mais ça rame, parfois. On s'en accommode toutefois assez bien. Plus gênants sont les bugs divers et variés qui viennent gâcher un peu l'expérience. La majorité vient cependant de problèmes de scripts, comme expliqué plus haut, et on s'en formalise seulement quand ils nous font échouer la mission. Entendre sa camarade de fuite nous donner l'ordre d'accélérer, alors que ça fait dix bonnes minutes qu'on l'a déposé à l'autre bout de la ville, c'est rigolo. Mourir écrasé par sa propre voiture à trente mètres de la fin de la mission, parce qu'on se retrouve incrusté dans le capot après avoir voulu sortir du véhicule, c'est rageant. L'aspect sonore du titre a lui été soigné et la version française est des plus correctes. Voilà une bonne nouvelle, idéale pour conclure.
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5
Moyen
Difficile, très difficile de ne pas être déçu par The Getaway. Dans une optique très cinéma, les développeurs nous ont pondu un titre sans concession, aux orientations de design bien marquées et à l'ambiance originale, bien renforcée par une reconstitution impressionnante de Londres, des cinématiques omniprésentes et un joli rebondissement. Hélas, certains choix intéressants en théorie, comme l'absence pure et simple d'indications à l'écran et la caméra fixe derrière le personnage, se révèlent calamiteux dans la pratique et nuisent considérablement au gameplay, qu'une linéarité importante et des scripts à foison finissent de rendre frustrant. Et ce n'est pas la violence, verbale ou visuelle, ou les quelques seins nus de ci, de là qui apporteront un peu de sel : on a déjà vu bie