Il y a une analogie entre les paires Carnot/Clausius et Poincare/Einstein. Dans les deux cas, au debut, il y a un genie (a mon avis, Carnot est le plus grand logicien dans les sciences de la nature) qui a le malheur de tirer des conclusions d'une premisse fausse - "la chaleur se conserve" dans le premier cas et "la lumiere se meut sous forme d'ondes lumineuses transmises par l'ether, pas sous forme de particules tirees dans le vide" dans le deuxieme. Les conclusions sont impressionnantes, voire miraculeuses. Mais le genie decouvre (ou voit les consequences nefastes de) la faussete et se sent frustre. Il y a aussi une personne ambitieuse qui n'est pas frustree. Elle reussit a convertir les conclusions en victoire et, devenant une personne victorieuse, a cacher la faussete initiale.
Jean-Pierre Maury, "Carnot et la machine a vapeur", PUF, 1986, p. 111:
<<Mais de toute evidence, la principale raison de son silence est le desarroi ou le plonge l'idee que toute la base des Reflexions est fausse. Ecoutons-le:
"...La ch. est donc le resultat d'un mouv-t. Alors il est tout simple qu'elle puisse se produire par la consomm-on de P.Mot. et qu'elle puisse produire cette puissance. Tous les autres phenomenes (...) pourraient s'expliquer dans cette hypothese. Mais il serait difficile de dire pourquoi, dans le developp-t de la PM par la chal. un corps froid est necessaire, pourquoi en consommant la chal. d'un corps echauffe on ne peut pas produire du mouvement.">>
Beaucoup plus tard, en 1848, un profiteur (Kelvin, ami de Clausius) va ecrire sans aucune frustration:
<<In the present state of science no operation is known by which heat can be absorbed, without either elevating the temperature of matter, or becoming latent and producing some alteration in the physical condition of the body into which it is absorbed; and the conversion of heat (or caloric) into mechanical effect is probably impossible, certainly undiscovered. In actual engines for obtaining mechanical effect through the agency of heat, we must consequently look for the source of power, not in any absorption and conversion, but merely in the transition of heat.>>
Banesh Hoffmann, "La relativite, histoire d'une grande idee", Pour la Science, 1999, p. 129:
<<Et le mutisme de ces savants [FitzGerald et Poincare] sur la dilatation des durees montre que, meme si leurs equations mathematiques etaient les memes que celles d'Einstein, l'idee d'un ralentissement reciproque des horloges leur avait totalement echappe.>>
En 1905 un autre profiteur (Einstein) va introduire, sans aucune frustration, tous les deux: un ralentissement reciproque des horloges (premiere absurdite) mais aussi la notion contradictoire - une precipitation non-reciproque de l'une des horloges (seconde absurdite superposee).
Pentcho Valev