Citation :
La Tribune - article du 31/10/05
Bras de fer entre Dassault Aviation et l'État indien
L'avionneur refuse de participer au futur appel d'offres indien portant sur la fourniture de 126 Mirage, pour un montant de 9 milliards d'euros. Les pouvoirs publics français poussent Dassault à y répondre.
La question inquiète l'industrie aéronautique de défense française : Dassault Aviation va-t-il répondre à l'appel d'offres, qui doit être lancé fin 2005 par l'Inde ? Le constructeur du Mirage 2000 a bel et bien ignoré jusqu'ici la demande d'information officielle (Request for Information, ou RFI) des Indiens, selon des sources concordantes. Or ce contrat est pharaonique, l'Inde voulant équiper son armée de l'air de 126 avions de combat pour un montant évalué à 9 milliards d'euros.
Contacté par La Tribune, Dassault Aviation a confirmé qu'il n'était pas question de répondre à un futur appel d'offres indien. Lancée avant l'été, la demande d'information - qui est une procédure non engageante - permet aux avionneurs d'exprimer leur intérêt en précisant le choix de l'avion qui participera à la compétition une fois l'appel d'offres international déposé. Quatre appareils, dont deux de constructeurs américains, ont déjà été proposé à l'Inde : le Mig-29M (Mig-35) du russe Rosoboronexport, le F-16 de Lockheed Martin, le F-18 de Boeing et le Gripen de Saab.
Revirement passé. Tout avait pourtant bien débuté entre l'Inde et Dassault Aviation, qui ont négocié pendant trois ans dans le cadre d'une procédure de gré à gré la fourniture de 126 Mirage 2000-5 assemblés pour la plupart en Inde. Mais en 2004, l'armée de l'air indienne, qui voulait rapidement des Mirage, a été contrainte par son gouvernement d'abandonner cette procédure au profit d'un appel d'offres international. Et les Indiens ont lancé une première demande d'information fin 2004, à la grande colère de Dassault Aviation, qui s'est senti floué par ce revirement. Mais au final, seuls les Russes ont répondu. Ébranlé par le silence des autres avionneurs, New Delhi a retiré sa demande d'information. Ce qui a contribué à détendre les relations entre les deux partenaires.
Ce réchauffement était également lié à l'avancement du dossier de rachat de douze Mirage 2000-5 du Qatar par l'Inde, une transaction considérée par les observateurs comme importante pour le succès à venir de Dassault Aviation en Inde. Très avancée, cette opération a cependant finalement échoué face aux fortes exigences financières des Qataris. Enfin, l'Inde a fini par relancer son processus d'appel d'offres.
Aujourd'hui, affirme-t-on de source proche du dossier, Dassault s'est "engagé dans un bras de fer avec l'État indien". Son PDG, Charles Edelstenne, qui s'interroge sur la poursuite de la chaîne Mirage en fin de vie, ne souhaite surtout pas s'engager dans un appel d'offres qui peut s'étirer sur plusieurs années. Mais son refus inquiète les pouvoirs publics français, qui le poussent à y participer, même "a minima". Car ils estiment que l'État indien ne peut pas se déjuger en arrêtant maintenant le processus. Du coup, ils misent sur le fait que les Indiens finissent par choisir Dassault en tant que "candidat préférentiel". Sauf que le constructeur a perdu ces dernières années toutes les compétitions auxquelles il a participé - il est vrai sur des critères politiques.
Michel Cabirol
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